Suan Müller
2024
Genève (Suisse) — 1990
Émile Cohl (Lyon)
Dessinateur praticien (2020) et dessinateur concepteur (2022)
Suan Müller a été formé initialement à la pratique de la philosophie. Mais l'appréhension théorique du monde, vécue comme l'expression désenchantée d'un non-sens radical, le mène dans une impasse personnelle. Il interrompt alors ses études à la faculté des lettres de l'université de Genève et intègre l'école Emile Cohl à Lyon.
Après un master en édition/multimédia il se forme à la gravure à l'atelier genevois de gravure contemporaine. Ce temps d'exploration plastique lui permet de poser les bases d'un univers visuel et d'une démarche ancrée dans la transversalité des pratiques.
Aujourd'hui dans cette optique, son travail de peintre prolonge celui de l'illustrateur : il s'agit de dire quelque chose par le biais de récits. La narration, contrainte sémantique d'abord, devient là un enjeu plastique et un champ des possibles s'ouvre sur l'espace étroit entre deux modes d'expression. Dès lors, rendu en ce lieu, comment raconter cette longue fin du rêve qu'est la civilisation ?
L'imaginaire qu'il formule résulte de la mise en tension du désenchantement, comme postulat de la rationalité contemporaine, et d’un élan sauvage et mystique d'une pensée primitive. Là, les ruines ont mangé le Rêve et les être qui le peuplent, fantasmagories de l'esprit, assistent désœuvrées à leur propre mort comme l'écho de notre apocalypse. Derrière le voile, alors que le merveilleux aurait pu être le dernier refuge pour l'esprit anxieux du désastre annoncé, les cendres de l'oubli ont déjà tout recouvert. Mais dans ce long crépuscule des idoles, Suan s'obstine à montrer quelques restes de magies, folklores oubliés ou mythes enfouis sous les oripeaux de l'âme sauvage, comme les reliques d'une enfance perdue.
Le trait, geste primitif, constitue le premier moment de sa peinture. Du paléolithique à l'anthropocène la toile devient un entre-monde, ce mauvais rêve où naissent et meurent ce âmes errantes. Puis surgissent les couleurs d'une naïveté enfantine, comme derniers remparts avant l'immensité du gris et du noire. Dans les tressaillements de la nuit, Suan tire les fils de la tragédie qui se joue devant spectateur. Mais dans cette sauvagerie étrange, ces masques, qui nous regardent, constituent finalement les derniers vestiges d'une humanité disparue.
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