Du 14 mai au 16 juillet, Unknown shores est à découvrir à La Petite Galerie Françoise Besson à Lyon.
Unknown shores, c’est d’abord le fragment d’un poème de George Oppen, saisi par l’artiste au détour d’une lecture :
Cortez arrives at an unkown shore
he is absolutly lost
and he is enraptured*
Unknown shores, ce sont des rivages au loin, une ville dans la nuit, l’horizon qui disparaît le soir venu, ou encore une surface irradiée par le soleil. À travers ses peintures Clémentine Chalançon nous fait perdre nos repères, tout en nous questionnant sur notre rapport au monde : comment le percevons-nous ? Qu’est-ce qui nous relie à lui ?
[Le regard et l’esprit] hésitent, entre deux focalisations, deux perspectives possibles : considérer un mur, une surface tactile, ou un monde, un espace, un vertige semblable à celui que font les phosphènes, ces fascinantes hallucinations nerveuses visuelles, lorsque l’on appuie ses doigts sur ses paupières.
— extrait du texte de Jérémy Liron, Carnet de Crimée n°1
Éblouissements et reflets, lichens, fresque s’effritant, bords de la nuit, fragments de paysages à peine identifiables : ces motifs, évanescents par nature - comme le sont les souvenirs, s’incarnent alors en peinture.
Souvent, ils sont disposés en « multitude » : ensembles complexes, insaisissables, que l’on cherche à comprendre dans leur organisation globale. On s’en tient finalement à la matière des choses, à la simple perception, un détail après l’autre.
Ne sachant pas vraiment ce que l’on observe, à la frontière ténue entre la figuration et l’abstraction, nos yeux cherchent à légitimer les formes, à les cerner, pour les raccrocher à une réalité. Plus nous nous éloignons, plus elles apparaissent distinctement. Consciemment ou non, ce mécanisme est lié au processus créatif de l’artiste.
Chaque peinture présentée a pour point de départ une photographie que l’artiste a prise - quelques jours avant, ou il y a des années. L’enjeu est ensuite pour elle de détacher son regard et ses intentions du document, pour que la peinture advienne selon ses propres conditions, dans sa propre temporalité.
Peindre, c’est pour elle « ajouter au monde un petit bout de monde », c’est faire peau** par le geste pour donner à voir l’essence du motif.
Saisis par l’intensité de ses petits formats verticaux, et les résonances à notre ligne artistique, c’est naturellement que nous avons proposé à Clémentine Chalançon d’investir la galerie pour deux mois d’exposition.
Extrait du fragment posthume 17 b, issu des notes qu’Oppen avait épinglées dans sa chambre, à la fin de son existence, et que Mary, son épouse, a recueillies après sa mort.
George Oppen, Poèmes retrouvés, éd. José Corti, 2019 – traduction Yves Di Manno
** Le moi-peau, Didier Anzieu, 1995, édition Dunod
La Petite Galerie Françoise Besson
6 rue de Vauzelles
69001 Lyon